Témoignages Diana, journal de bord d’une aide à domicile sans frontière.
C’est vrai, être aide à domicile c’est un choix ou bien l’histoire d’une rencontre, d’évènements de la vie, ou d’un hasard, plus ou moins long.
Et travailler à ADT44, c’est un choix ou bien l’histoire d’une rencontre, d’évènements de la vie, ou d’un hasard, plus ou moins long.
Mai 2024, ma rencontre avec Diana, et son histoire de vie, de voyages, de rencontres, de dépassement de soi.
Volere é potere*
« Si tu veux, tu peux. Tout est possible » semble être la philosophie de vie de Diana, elle a commencé nos échanges ainsi et l’a répété à plusieurs reprises en évoquant son parcours. *Et même en latin !
« J’ai 37 ans. Je suis née en Roumanie, avec mon mari, Roumain aussi, nous avons une fille de 12 ans. J’ai fini mes études en Roumanie, j’ai obtenu ma licence en journalisme et relations publiques. Je n’avais pas pour objectif de m’installer à l’étranger, mais nous avons dû partir en Italie pour le travail de mon mari. Nous y sommes restés 10 ans, ma fille est née là-bas. Nous étions bien installés, nous avions de la famille, des amis … c’était une belle communauté. En Italie, j’avais des petits boulots, dans l’hôtellerie, dans l’aide à la personne … Dans ce pays, il n’y a aucune aide de l’Etat pour l’aide aux personnes âgées et en situation de handicap. L’approche du métier est complètement différente, c’est une autre posture professionnelle : l’aide à domicile devient le repère de la famille, tu es pour la personne âgée, une infirmière, une aide-soignante, une aide-ménagère. Comme une gouvernante, 24h sur 24. Le ménage, la toilette, l’accompagnement médical… Là-bas l’Ehpad est l’ultime recours. Les personnes âgées restent au domicile. Et les aides à domicile n’ont pas de formation : c’est une question de confiance avec la famille, de savoir être, de savoir-faire, du bouche à oreille entre familles. »
Se dépasser. Trouver sa voie.
« En 2017, nous quittons l’Italie pour la France. J’avais quelques bases de Français, étudié à l’école en Roumanie. J’ai commencé en CE1, et j’ai même passé mon bac en Français. En arrivant en France, il était difficile de tenir un dialogue, j’ai eu un moment de tâtonnement. Et je voulais faire quelque chose, travailler, j’avais envie d’être dans un milieu pour interagir avec la personne, pour connaitre, comprendre. J’ai alors commencé par des heures en CESU, mais je n’ai pas trouvé cela intéressant, il n’y avait personne au domicile. J’étais en mode exécution, j’avais juste la satisfaction du travail réalisé mais ce n’est pas ce que je voulais. »
Diana me confie alors que la langue était à cette époque un vrai frein, un complexe. Aujourd’hui, c’est son accent qui chante qui fait toute la différence, c’est son petit truc en plus, qui amuse ses collègues et ravi les bénéficiaires. Il est le reflet de ses origines, son identité.
« Je n’ai jamais connu d’association à but non lucratif avant d’arriver en France », en 2018, une connaissance lui transmet les coordonnées de ADT à Machecoul, l’occasion peut-être de compléter son temps de travail et de trouver ce qu’elle cherchait vraiment : la rencontre, les échanges, les relations, les humains. Elle me dit alors, avant de commencer toute démarche, avoir peur d’être recalée par rapport à la langue « je me rappelle avoir préparer une feuille avec tout ce que je devais dire au téléphone et j’ai appelé. J’ai eu Pélagie Binet, responsable de secteur, j’ai beaucoup aimé le contact avec elle. Et aujourd’hui je me souviens que oui, c’est possible, malgré la langue ».
Nouvelle destination : ADT44.
« Octobre 2018, Pélagie me recontacte pour intégrer l’association. Elle m’annonce un parcours en douceur, avec un petit contrat de travail, avec des prestations ménage, qui me laisserait le temps d’être sûre de pouvoir communiquer, apprendre le métier. Petit à petit j’ai augmenté mon temps de travail et diversifié mes missions. » Diana intègre au fur et à mesure un parcours de formation en interne (aide à la personne en e-learning, toilette, gestes et soins d’urgence, SPASAD …) qui la conforte rapidement dans sa posture professionnelle, lui donne confiance en elle, se sentant de plus en plus en position de faire et de faire bien. C’est une professionnelle qui se sent « indépendante, à l’écoute, toujours preneuse de conseils et de suggestions, et je m’adapte très vite. J’ai été très bien intégrée dans l’équipe, j’ai fait beaucoup rire mes collègues au début avec mes expressions et mon accent, elles me disent qu’on ne s’ennuie jamais avec moi ! »
« La partie la plus intéressante de notre métier : pas de routine ! Chaque jour est différent, on ne voit pas le temps passer. Je n’aime pas m’ennuyer, d’ailleurs je ne m’ennuie jamais ! Il peut y avoir des horaires décalés, dûs aux accompagnements spécifiques, avec de grandes amplitudes, mais je sais pourquoi je le fais et ça change tout ».
Les formations et la pratique ont permis à Diana de diversifier son planning et d’élargir les publics, avec différentes pathologies, différentes histoires de vie.
Être au bon endroit.
« Pour moi, chaque intervention, chaque histoire est une leçon de vie. J’essaye d’apprendre quelque chose à chaque intervention. Ce métier correspond à ce que je suis, il m’apporte beaucoup, j’ai l’impression d’en apprendre toujours sur moi en tant qu’être humain. Je suis à ma place. »
« En 2021, j’ai commencé à me demander : mais je suis qui moi ? » Diana a eu besoin de mettre un nom sur son métier et ses compétences. Jennifer Turquet, responsable marque employeur et parcours de formation à ADT44, la conseille et la guide vers une VAE AES (Validation des Acquis de l’Expérience Accompagnant Educatif et Social) « à ce moment-là, c’était trop pour moi, je savais que j’avais tout ce qu’il fallait pour y arriver, mais j’ai eu des gros doutes sur la langue. Mais je me suis lancée, je savais que c’était très important pour mon parcours professionnel. »
« Durant ce processus, j’ai appris beaucoup de choses sur les financeurs, les collaborateurs … et aussi approfondi mes connaissances, notamment sur différentes pathologies. J’ai rédigé mon livret sans problème et en mars 2023 je me suis présentée devant le jury. C’était très long, il y avait beaucoup de questions, mais cela s’est très bien passé et j’ai obtenu ma VAE du premier coup. Et en plus mon livret a été très apprécié. Cette VAE a été une grande satisfaction professionnelle, une grande fierté : j’avais atteint un objectif de cœur ! »
L’habitat inclusif, un autre objectif de cœur.
A Machecoul, un nouveau projet d’habitat inclusif se fait connaitre : la Maison d’Hestia, porté par HAPI’coop. ADT44, forte de son expertise handicap et inclusion, se joint au projet pour mettre en place la partie animation et vie collectives. Une équipe d’accompagnants serait donc montée « ce projet me tenait vraiment à cœur, j’aurais tout fait pour y être intégrée. Fin 2023, je fais une journée d’immersion au Jardin de Gambetta (habitat inclusif à Nantes, co-porté par ADT44) ». Visite de l’habitat, rencontre des locataires, échanges avec les collègues sur place ont renforcé les motivations de Diana, qui intègrera l’équipe Maison d’Hestia dès son ouverture, en janvier 2024. Aujourd’hui c’est justement dans cette maison que Diana m’accueille, les colocataires sont au travail, nous ne sommes que toutes les 2 et pourtant on peut ressentir tout l’énergie de ce lieu de vie hors du commun, coloré, décoré, organisé … que Diana semble prendre beaucoup de plaisir à me faire visiter.
Diana souhaite garder en plus de ses interventions en habitat inclusif des interventions au domicile ordinaire chez ses bénéficiaires « j’aime l’équilibre entre les différents publics et les différentes missions : pas de routine ! » La Maison d’Hestia est habitée par 12 colocataires en situation de handicap (un retraité, une lycéenne, 10 travailleurs en ESAT). 10 professionnels ADT44 s’y relayent, 5 collaborateurs déjà dans l’association qui ont pu intégrer le projet et 5 embauchés, pour l’animation de la vie collective, l’aide à la préparation des repas collectifs et individuels, aux courses, à l’entretien, à l’accompagnement aux RDV … « c’est un accompagnement autrement que le domicile. On accompagne vers l’autonomie des habitants. Nous sommes là pour écouter leurs besoins et valoriser leurs capacités, pas pour faire à leur place, mais faire avec eux. Et ils ont déjà tous fait de bons progrès dans la gestion de leur quotidien. C’est ça la Maison d’Hestia : être là, mais ne pas les priver de ce qu’ils peuvent faire. On apprend à les connaître et on apprend avec eux. »
Son épilogue. Epilogul ei.
Notre rencontre aurait pu commencer par cette confidence, c’est pourtant en partant que Diana me glisse qu’il y a 2 ans sa maman est tombée gravement malade, en Roumanie. Avec sa famille, ils ont eu beaucoup de mal à trouver une aide à domicile pour s’occuper d’elle, du mal à trouver une professionnelle compétente, formée et de confiance. C’est à cet épisode de sa vie que Diana s’est dit que le monde manquait cruellement de personnes comme elles, et que peut-être, depuis cet évènement, elle a besoin d’aider un peu plus les autres…
Je la quitte sur un joli « Volere é potere » .
Je les retrouverai, Diana et son bel accent, un mois plus tard, au micro, à l’assemblée générale de ADT, pour témoigner de son rôle d’ADTeam, de la vie d’équipe sur Machecoul, des projets.
Photos et rédaction · Agnès Bauchet